Enric Soriano Ortín : « L’exercice conscient du Droit est le véritable chemin pour construire un monde plus juste et pour guérir les liens et les relations »

 

Enric Soriano Ortín : « L’exercice conscient du Droit est le véritable chemin pour construire un monde plus juste et pour guérir les liens et les relations »

Entretien avec Enric Soriano Ortín, avocat collaboratif systémique, médiateur, conciliateur, coach juridique et thérapeute en constellations systémiques et PNL. Président de l’Association Internationale de Droit Systémique. CEO et fondateur de l’ISDM (Institut Systémique de Droit et Médiation).

Avocat collaboratif, médiateur, thérapeute en constellations systémiques et consultant organisationnel, Enric Soriano Ortín représente l’une des voix les plus inspirantes d’un nouveau paradigme dans la pratique de l’avocature et de la médiation. Depuis des années, il promeut un regard systémique sur le Droit, fondé sur la compréhension profonde et consciente des liens, de la reconnaissance et de la responsabilité.

Aujourd’hui, il annonce un projet transformateur qui — selon lui — peut changer radicalement la vie personnelle et professionnelle des juristes, juges, médiateurs et gestionnaires de conflits. Nous parlons avec lui de droit systémique, de médiation, de constellations et de cet horizon nouveau qui commence déjà à se dessiner.

Entretien

Enric, tu parles souvent de « droit systémique », « avocature consciente » et « médiation systémique ». Comment définirais-tu en quelques mots ce nouveau paradigme ?
Le nouveau paradigme qu’apporte la systémique appliquée au Droit et à la médiation consiste à passer de la résolution des conflits uniquement sur le plan juridique à la compréhension et la transformation des dynamiques profondes qui les originent, en intégrant la dimension humaine, émotionnelle et relationnelle aux côtés de la légale.

Je parle de l’exercice conscient du Droit comme d’une manière de comprendre et de pratiquer la profession juridique et de résoudre les conflits avec un regard intégral, éthique et systémique, qui va au-delà de la simple application technique des lois, normes et procédures.

Cela implique que le professionnel du Droit — avocat, médiateur, juge ou tout autre opérateur juridique — se relie à sa tâche avec présence, responsabilité et connexion au but profond de la justice, en tenant compte à la fois des personnes impliquées dans les conflits et des systèmes familiaux et de relations sociales auxquels elles appartiennent.

Quel a été ton parcours personnel et professionnel jusqu’à intégrer le Droit avec les constellations et les configurations systémiques ?
Parallèlement à ma pratique professionnelle d’avocat, depuis environ 15 ans j’ai orienté ma vie vers le domaine de la connaissance de soi et du développement personnel, et j’ai compris l’importance de l’adapter au monde du Droit et de la résolution des conflits. J’ai commencé par la méditation, puis je me suis formé en PNL et, ensuite, en pensée systémique, en consultation organisationnelle systémique et en ennéagramme. Je continue et continuerai d’élargir ma formation et mon expérience dans ces domaines et dans d’autres champs d’inspiration humaniste. On n’a jamais fini d’apprendre. C’est un processus continu de formation et d’apprentissage.

Quel rôle joue la PNL (programmation neurolinguistique) dans cette approche intégratrice que tu proposes ?
En Droit Systémique, la PNL agit comme un outil qui renforce la communication, l’autogestion et la transformation des croyances, facilitant des processus plus humains, efficaces et conscients dans la résolution des conflits. En Droit et en Médiation, la manière de formuler des questions, d’écouter et de communiquer peut ouvrir ou fermer des voies au sein d’un processus. La PNL apporte des techniques pour développer une écoute active au-delà des mots, en captant émotions, croyances et schémas inconscients qui influencent la manière dont les personnes vivent et gèrent les conflits.

Elle permet également d’utiliser un langage précis et transformateur qui invite à la réflexion et à la coopération, au lieu d’alimenter la confrontation. Elle sert aussi à identifier la carte mentale du client ou de la partie adverse et à adapter le discours pour générer compréhension et entente.

Pour de nombreux professionnels, le lien entre Droit et constellations systémiques peut surprendre. Comment réagis-tu face au scepticisme ?
Je comprends que cela puisse susciter du scepticisme. Pendant des siècles, le Droit s’est principalement centré sur les normes et les procédures ; parler de dynamiques émotionnelles et systémiques peut donc sembler novateur. Il est naturel qu’au début, sans une base minimale de connaissance du sujet, cette intégration soit remise en question.

Ce scepticisme provient d’une image déformée des constellations, certains les associant — très à tort — à des rituels ou à des pratiques ésotériques. Il faut préciser que nous parlons d’outils d’observation et d’analyse, et non de croyances.

Quand on parle de constellations dans le domaine juridique, il ne s’agit pas de quelque chose de mystique. Ce sont des dynamiques qui permettent de visualiser clairement la structure d’un conflit : qui est impliqué, quels liens existent et où se trouvent les blocages. Cela nous aide à mieux comprendre la situation et à concevoir des stratégies juridiques plus complètes et plus humaines.

Il est important de clarifier que le Droit Systémique ne remplace pas la loi, mais l’intègre avec une vision plus large : la norme reste la base, tandis que la systémique apporte des informations émotionnelles et relationnelles que la loi ne prend pas en compte, mais qui influencent le résultat. Le juge rend son jugement sur la base de la loi. L’approche systémique nous aide à comprendre le contexte humain qui a conduit à ce litige, ce qui peut améliorer notre stratégie, la communication avec le client et la recherche d’accords.

Comment applique-t-on le regard systémique dans un conflit juridique concret ? Peux-tu nous donner un exemple réel (en préservant la confidentialité) ?
La première étape consiste pour le professionnel — qu’il soit avocat, médiateur ou juge — à adopter une attitude d’observation plus large, où, au-delà des faits et des documents, il prend en compte les relations, les émotions et l’histoire qui entourent le conflit. Cela se traduit par diverses actions très concrètes. Par exemple : poser des questions différentes qui vont au-delà des aspects techniques, comme « Qui d’autre est affecté par cette situation ? » ou « Qu’est-ce qui n’a pas encore été dit et qu’il est important d’entendre ? ». Cela peut aussi impliquer d’utiliser des ressources visuelles ou des dynamiques brèves permettant aux parties de voir le conflit sous un autre angle, ce qui se révèle très utile en médiations familiales, successions ou conflits d’entreprise.

Dans certains cas, on réalise des constellations juridiques, exercices dans lesquels on représente symboliquement les parties, la loi et les éléments clés du conflit. Cela aide à identifier les blocages et à trouver des solutions qui respectent à la fois le cadre légal et la structure émotionnelle et relationnelle du système.

Dans un conflit successoral où le problème pouvait sembler économique et où les frères ne s’entendaient pas sur ce qu’il fallait faire de la maison héritée des parents — bien qu’on eût pu choisir d’évaluer le bien et d’engager un partage judiciaire de la succession —, nous avons découvert, grâce à des questions adaptées, toute une série de loyautés invisibles qui entretenaient le conflit. Dans ce cas, l’intervention systémique a consisté en une visualisation qui a permis à chacun des frères de comprendre l’émotion et le ressenti des autres — jamais exprimés auparavant. Cela a permis à tous d’apporter des solutions pratiques qui ont conduit à un accord.

Dans le domaine de la médiation et des MASC, comment ce regard systémique peut-il enrichir les processus actuels ?
Le regard systémique apporte une profondeur et une compréhension qui complètent les méthodologies traditionnelles de médiation et autres MASC. Ces processus cherchent déjà le dialogue et l’accord, mais restent souvent à la surface de ce qui se discute. La systémique nous permet d’aller à la racine du conflit, d’identifier les émotions, les loyautés et les dynamiques invisibles qui le soutiennent et qui, si elles ne sont pas traitées, font que les accords se brisent ou que le conflit se répète.

Par exemple, en médiation familiale, il ne s’agit pas seulement de négocier des temps de garde ou des pensions, mais de voir ce qu’il y a derrière : peut-être un père qui se sent exclu, une mère avec une blessure d’abandon ou un enfant pris entre ses loyautés envers ses deux parents. Quand ces dynamiques deviennent visibles et sont reconnues, le processus se transforme : les parties se sentent véritablement écoutées et s’ouvrent à des solutions plus créatives, humaines et durables.

En outre, ce regard aide les médiateurs à rester centrés, évitant d’être pris dans les émotions des parties et élargissant leur vision du système entier. En définitive, il enrichit la médiation en ajoutant une couche de conscience et de profondeur qui permet que les accords ne se contentent pas de clore un dossier, mais qu’ils restaurent l’équilibre et renforcent les relations.

Tu as récemment créé l’Institut Systémique de Droit et Médiation (ISDM). Peux-tu nous expliquer de quoi il s’agit ?
L’ISDM est un projet pionnier et unique au monde qui répond à un double besoin : d’une part, former des juristes et des professionnels de la résolution des conflits à l’application de la pensée systémique dans leur profession ; d’autre part, fournir des outils d’introspection, de développement personnel et de gestion émotionnelle à ces professionnels ainsi qu’aux leaders organisationnels et responsables d’équipes humaines, afin de les appliquer à leur vie personnelle et à leur profession.

Notre objectif est clair : préparer des leaders conscients et transformateurs qui, avec un regard humaniste, soient capables de générer des solutions plus justes, plus profondes et plus durables.

On dit que ce projet peut transformer la vie personnelle et professionnelle des avocats, juges et médiateurs. Est-ce une formation, une communauté, un outil ? Qu’est-ce qui le rend si spécial ?
L’ISDM est bien plus qu’un centre de formation. C’est un espace de transformation, un lieu où le savoir juridique rencontre la dimension humaine pour créer une nouvelle manière de comprendre le Droit, la médiation et le leadership. Notre intention est de préparer les professionnels d’aujourd’hui aux défis de demain, avec conscience, empathie et vision systémique.

Ce que nous faisons à l’ISDM va bien au-delà de la simple dispense de formations. Certes, nous proposons des programmes, des ateliers et des espaces de formation technique, mais notre proposition va plus loin : c’est une expérience transformatrice qui intègre savoir, vécu et communauté. Ce qui rend ce projet spécial, c’est son regard intégral. Nous voulons que les professionnels se connaissent eux-mêmes, développent des compétences émotionnelles et apprennent à voir les conflits sous une perspective plus large et plus humaine. Lorsqu’un avocat, un juge ou un médiateur comprend les dynamiques invisibles qui se trouvent derrière une affaire, sa manière d’intervenir — et sa relation à la profession — s’en trouvent totalement transformées.

De plus, nous créons de la communauté. L’ISDM est un point de rencontre où des professionnels de différents domaines partagent des expériences, se soutiennent et grandissent ensemble. Ce sentiment d’appartenance est clé pour que le changement ne soit pas seulement individuel, mais aussi collectif.

C’est pourquoi nous disons que l’ISDM est à la fois une formation, un outil et une communauté. Mais, surtout, c’est un espace qui invite à regarder au-delà de la loi et des procédures, et à exercer le Droit et la médiation avec plus de conscience, d’équilibre et d’humanité. Voilà ce qui transforme réellement des vies et des trajectoires professionnelles.

Quel impact espères-tu que ce nouveau projet ait sur la culture juridique actuelle ?
Le rêve est que ce projet contribue à un changement de regard dans le monde juridique, le faisant passer d’un modèle centré exclusivement sur la norme et la procédure à une pratique plus humaine, consciente et transformatrice.

Pendant longtemps, la culture juridique a été marquée par l’idée de gagner ou perdre, de défendre des positions opposées, souvent sans prêter attention aux émotions et aux relations qui se cachent derrière chaque affaire. Ce que nous proposons depuis l’ISDM, c’est d’ajouter une nouvelle couche de profondeur : comprendre non seulement ce qui s’est passé, mais aussi pourquoi cela s’est produit et comment cela affecte les personnes et les systèmes impliqués.

Si nous parvenons à ce que avocats, juges, médiateurs et autres professionnels voient les conflits sous cette perspective, les processus cesseront d’être seulement des espaces où l’on rend des jugements ou où l’on conclut des accords, pour devenir des opportunités de restaurer des liens, de générer de l’équilibre et de prévenir de futurs conflits.

En définitive, notre impact idéal serait d’aider à construire une culture juridique plus empathique et durable, où le Droit demeure rigoureux et technique, mais où l’on valorise aussi la dimension humaine et relationnelle. Je crois que c’est le véritable défi de la justice du XXIᵉ siècle.

Tu parles souvent de « changement de paradigme ». Quels sont, selon toi, les grands défis et résistances à ce changement dans le monde légal ?
Lorsque nous parlons de changement de paradigme, nous faisons référence à une transformation profonde de la manière dont nous comprenons le Droit, la médiation et la justice. Il ne s’agit pas seulement d’incorporer de nouvelles techniques ou méthodes, mais de changer le regard : passer de conflits vus comme des batailles à gagner ou à perdre, à des opportunités de comprendre, réparer et transformer.

L’un des grands défis est précisément cette transformation interne. Le monde juridique s’est historiquement formé dans un cadre très rationnel et normatif, ce qui a engendré une culture très structurée et, souvent, rigide. Y intégrer la dimension émotionnelle, relationnelle et systémique peut créer de l’inconfort car cela bouleverse des schémas en vigueur depuis des décennies, voire des siècles.

Il existe aussi des résistances personnelles : de nombreux professionnels ont appris à se protéger émotionnellement pour faire face à des situations difficiles. S’ouvrir à un autre regard sur le conflit peut réveiller des émotions propres, et cela n’est pas toujours facile à gérer. Cela demande du courage et un engagement envers la croissance personnelle.

Mais, surtout, il existe des résistances institutionnelles et structurelles. Les systèmes judiciaires et les organisations fonctionnent selon des procédures établies, et toute innovation peut être perçue comme une menace ou une complication. Le défi consiste ici à démontrer que ce nouveau regard ne diminue pas l’efficacité, mais l’accroît, car il améliore les résultats et la satisfaction des parties.

Le grand défi est d’amener le monde légal à comprendre qu’intégrer la perspective systémique ne signifie pas renoncer à la rigueur, mais ajouter de la profondeur et de l’humanité à la pratique du Droit. Et cela ne sera possible qu’en commençant par le changement personnel de chaque professionnel.

Quel rôle devrait jouer la justice restaurative dans ce nouveau scénario ?
La justice restaurative est, sans aucun doute, une pièce maîtresse de ce nouveau paradigme. Elle représente un changement profond par rapport au modèle traditionnel, centré surtout sur l’établissement des coupables et l’imposition de peines. La justice restaurative met, au contraire, l’accent sur la réparation du dommage, la restauration des liens et la reconstruction de la confiance entre les personnes et la communauté.

Dans le cadre du regard systémique, la justice restaurative s’intègre parfaitement car elle élargit la compréhension du conflit. Il ne s’agit pas seulement de répondre à un fait délictueux, mais de voir quel impact il a eu sur tout le système : sur la victime, l’auteur, les familles, et même la société. Lorsque nous comprenons cela, nous pouvons créer des espaces où chacun assume sa responsabilité et trouve un chemin de réparation.

Je crois que sa contribution est double : d’une part, elle humanise le droit pénal, en donnant voix et protagonisme aux personnes affectées ; d’autre part, elle prévient la récidive, car elle agit sur les causes profondes du conflit et pas seulement sur les conséquences visibles.

Dans ce nouveau scénario, la justice restaurative devrait cesser d’être vue comme un complément optionnel pour devenir un outil fondamental du système judiciaire. L’intégrer reviendrait à donner à la justice une dimension plus complète, où la loi et l’humanité avancent ensemble pour générer paix sociale et transformation réelle.

Que te disent les personnes qui ont vécu un processus avec ton regard systémique ? Qu’est-ce qui les surprend le plus ?
Ce qu’elles me confient le plus, c’est la surprise de découvrir des dimensions du conflit qu’elles n’avaient jamais vues auparavant. Souvent, elles arrivent en pensant que le problème est purement juridique — une succession, un divorce, un litige commercial —, mais au fur et à mesure du travail commun, elles se rendent compte que derrière se trouvent des histoires familiales, des émotions non exprimées et des dynamiques invisibles qui ont influencé leurs décisions et leurs relations.

Ce qui les impacte le plus, c’est de voir comment, lorsque ces dynamiques sont mises en lumière et reconnues, la façon d’aborder l’affaire change complètement. Soudain, ce qui semblait un mur infranchissable devient un chemin vers la compréhension et, bien souvent, vers la réconciliation.

Elles sont également surprises par le sentiment de soulagement et de clarté qu’elles éprouvent. Quand une personne comprend non seulement ce qui s’est passé, mais aussi pourquoi, elle cesse de se sentir piégée dans la culpabilité ou la colère, et cela ouvre la porte à des accords plus solides et à des décisions plus conscientes.

Pour beaucoup, le plus révélateur est de constater que le processus ne résout pas seulement un conflit concret, mais transforme leur manière de se relier, non seulement dans le domaine juridique, mais aussi dans leur vie personnelle et professionnelle. C’est, sans aucun doute, le résultat le plus gratifiant du regard systémique.

Tu as aussi accompagné des organisations. Comment le Droit systémique peut-il aider à prévenir ou résoudre des conflits au sein d’une entreprise ou d’une institution ?
Le Droit systémique est très utile dans le domaine entrepreneurial et institutionnel, car il permet de voir les conflits au-delà des apparences, en comprenant non seulement les faits visibles, mais aussi les dynamiques internes qui les provoquent ou les maintiennent.

Dans une entreprise, un désaccord peut sembler un problème de gestion ou de communication, mais souvent, derrière, on trouve des rôles confus, des déséquilibres de pouvoir, des loyautés invisibles ou des histoires non résolues au sein de l’organisation. Le regard systémique nous aide à identifier ces schémas et à trouver la juste place pour chaque personne et chaque décision.

Il existe des entreprises où le conflit entre services se répète encore et encore, même lorsque les personnes impliquées changent. Avec une analyse systémique, on peut découvrir que la racine du problème réside très probablement dans une structure déséquilibrée, où fonctions et responsabilités ne sont pas claires. Lorsqu’on remet de l’ordre, les conflits diminuent naturellement.

Appliqué à la prévention, le Droit systémique aide à établir des structures plus saines et des processus de décision plus transparents. Cela réduit la probabilité de tensions graves. Et, en matière de résolution, il offre des outils pour traiter le problème non seulement par des mesures juridiques ou disciplinaires, mais aussi en restaurant la confiance et le sentiment d’appartenance au sein de l’équipe.

Si tu ne pouvais donner qu’un seul conseil à un jeune avocat qui débute, lequel serait-ce ?
Je lui dirais de ne jamais perdre de vue l’humanité derrière chaque affaire. Il est facile, surtout au début, de se laisser happer par le rythme effréné, par les procédures, par l’objectif de gagner ou de prouver sa valeur professionnelle. Mais derrière chaque dossier, il y a des personnes, des histoires et des émotions qui ont besoin d’être entendues.

Le Droit est un outil puissant, mais il ne peut être le seul langage que nous utilisons. Connaître la loi est fondamental, mais comprendre les personnes est ce qui fait réellement la différence. Lorsqu’un avocat apprend à regarder au-delà des documents et à comprendre les dynamiques qui soutiennent un conflit, il devient non seulement un meilleur professionnel, mais aussi quelqu’un de capable de générer des solutions plus justes et transformatrices.

Ainsi, mon conseil serait : soigne ta formation technique, mais travaille aussi ton développement personnel et émotionnel. La manière dont tu te relates à toi-même et aux autres sera la clé pour accompagner tes clients avec présence, sérénité et conscience.

Et à un professionnel du conflit (médiateur, conciliateur, facilitateur) qui sent que quelque chose ne colle pas dans ses dossiers ?
Je lui dirais de s’arrêter et de regarder au-delà du visible. Quand, dans un processus de médiation ou de facilitation, nous sentons que, malgré le respect de toutes les étapes et l’usage des techniques connues, quelque chose ne « passe » pas, c’est généralement qu’il y a des dynamiques cachées qui agissent à un niveau plus profond.

Ces blocages peuvent avoir à voir avec des loyautés invisibles, des histoires familiales, des déséquilibres de pouvoir ou des émotions non exprimées qui n’apparaissent pas dans le récit explicite des parties, mais qui conditionnent totalement leur manière de participer et de négocier.

Mon conseil serait de s’ouvrir à intégrer un regard systémique dans son travail. Cela ne signifie pas abandonner les techniques actuelles, mais les enrichir d’une compréhension plus large permettant d’identifier les racines du conflit. Quand cela se produit, les solutions trouvées ne résolvent pas seulement le problème immédiat, elles évitent aussi qu’il ne se reproduise à l’avenir.

Et, surtout, je lui rappellerais que ce processus commence par soi-même : revisiter ses propres émotions, croyances et histoires personnelles. Quand le professionnel est centré et connecté à lui-même, il voit les conflits avec plus de clarté et peut accompagner les autres avec davantage de présence et d’efficacité.

Avec quel rêve professionnel t’endors-tu aujourd’hui ?
Avec l’envie d’apporter de la conscience à notre profession et de contribuer, avec humilité mais aussi avec une profonde conviction, à une transformation profonde de la manière de comprendre et d’exercer le Droit et la Médiation. Je rêve d’un futur où les conflits ne seront pas vus seulement comme des batailles à gagner ou à perdre, mais comme des opportunités de comprendre, réparer et grandir.

J’imagine des avocats, des juges, des médiateurs et des dirigeants d’organisations travaillant depuis un lieu plus humain et conscient, capables de voir non seulement l’affaire qu’ils ont devant eux, mais aussi les histoires, émotions et systèmes qui l’entourent. Des professionnels qui ne se limitent pas à appliquer la loi, mais qui contribuent aussi à restaurer les liens et à générer de l’équilibre.

Je rêve que l’ISDM devienne une référence internationale, un point de rencontre où chaque personne qui y passe emporte une nouvelle manière de regarder, qui transforme non seulement sa pratique professionnelle, mais aussi sa propre vie et celle des personnes avec lesquelles elle travaille.

En définitive, mon rêve est que, lorsqu’on parlera de justice, on ne parle pas seulement de sentences, mais aussi de guérison, de réconciliation, d’amour et de paix sociale.

Enric Soriano Ortín | Avocat Collaboratif & Médiateur
enric@sorianoadvocats.com | www.sorianoadvocats.com

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