
29 Juin Consommateur, établissements financiers et compagnies aériennes face à l’obligation des MARD dans la LO 1/2025
Consommateur, établissements financiers et compagnies aériennes face à l’obligation des MARD dans la LO 1/2025
Le mercredi 25 juin 2025, j’ai eu l’opportunité d’assister, grâce à la gentille invitation de M. Jai Nanwani, à la conférence intitulée « Consommateur, établissements financiers et compagnies aériennes face à l’obligation des MARD dans la Loi Organique 1/2025 », organisée dans le cadre du Xe Congrès de l’Avocature de Barcelone.
Intervenants
La séance a été présentée par l’avocat Jai Nanwani, président de la Section de droit aérien et spatial de l’ICAB, récemment récompensé par le prix ‘CorporateLiveWire’ Innovation and Excellence Awards 2025 dans la catégorie Cabinet d’avocats de l’année en droit aérien, et modérée par Silvia Pardo Prado, avocate et présidente de la Section de droit de la consommation de l’ICAB. Ont pris la parole en tant que conférenciers :
- Vicente Pérez Daudí, professeur de droit procédural à l’Université de Barcelone.
- Helen Pino Vera, avocate et membre de la Section de droit procédural de l’ICAB.
- Elisabet Valencia Ortega, avocate et vice-présidente de la Section de droit bancaire de l’ICAB.
- Julià Guimerà Gargallo, chef de l’Unité d’information et d’assistance aux consommateurs de l’Agence Catalane de la Consommation et secrétaire de la Commission arbitrale de consommation de Catalogne.
Apports du professeur Vicente Pérez Daudí
Le professeur Pérez Daudí a exposé une vision critique de l’interprétation judiciaire de la LO 1/2025 et a demandé une augmentation du budget alloué à l’administration de la justice. Il a affirmé que « les tribunaux appliquent cette loi de manière excessivement restrictive ». Il a signalé des lacunes juridiques importantes, telles que l’absence de définition du terme « consommateur » et l’absence de seuil économique de responsabilité clairement réglementé.
Qu’est-ce que le seuil économique de responsabilité ?
Il s’agit d’un montant limite déterminant si un litige peut ou non être résolu par un MARD, comme l’arbitrage de consommation. En Espagne :
- Dans de nombreuses procédures simplifiées, le seuil est fixé autour de 300 euros.
- Dans d’autres cas, il est fixé à 2 000 euros pour les procédures sans audience orale.
- Il peut varier selon la législation régionale ou les règlements de chaque Commission arbitrale.
La LO 1/2025 ne fixe pas de seuil de 2 000 euros. Ce chiffre provient du Règlement du système d’arbitrage de consommation (RD 713/2024), et non de la loi organique. L’article 5.1 impose le recours à un MARD avant de déposer une action civile, sans fixer de seuils de montant.
Le cas de la Catalogne
En Catalogne, le système d’arbitrage de consommation établit également des seuils économiques selon le type de procédure :
- Jusqu’à 300 euros : procédure simplifiée sans audience, avec traitement exclusivement documentaire.
- Entre 300 et 2 000 euros : on peut utiliser soit la procédure simplifiée, soit la procédure ordinaire, selon la complexité du cas et l’évaluation de la Commission arbitrale.
- Au-dessus de 2 000 euros : on applique généralement la procédure ordinaire, avec davantage de garanties procédurales.
Ces montants sont prévus par la législation régionale et les décisions internes de la Commission arbitrale de consommation de Catalogne. L’objectif est de préserver l’efficacité du système et de garantir un accès équitable à la résolution extrajudiciaire des litiges.
Pérez Daudí a également souligné l’efficacité de l’Agence Catalane de la Consommation, qui résout de nombreux dossiers par médiation et arbitrage, face à l’effondrement de l’Agence nationale de sécurité aérienne (AESA), qui n’opère qu’à Madrid et dont la capacité de réponse est très limitée. Il a déclaré que « l’AESA ne fonctionne pas en matière contentieuse, elle est saturée » et qu’« elle ne traite pas de questions importantes comme la perte de bagages ».
Il a également averti que l’impossibilité de corriger l’absence de tentative de MARD avant l’introduction d’une demande pourrait entraîner une question d’inconstitutionnalité. Selon ses termes : « cela finira par être déclaré inconstitutionnel ».
Évaluation de l’Agence Catalane de la Consommation
Julià Guimerà a fait une évaluation positive de la LO 1/2025. Il a souligné que la Dispositions Additionnelle Septième établit comme condition de recevabilité l’obligation d’avoir adressé préalablement une réclamation à l’entreprise. Il a rappelé que « le client doit d’abord tenter de contacter l’entreprise, comme condition de recevabilité ». L’Agence Catalane de la Consommation contribue depuis des années à désengorger les tribunaux grâce à ses services gratuits de médiation et d’arbitrage (Décret 98/2010).
Il a précisé que l’arbitrage de consommation, bien qu’il implique une décision prise par un tiers, n’est pas techniquement un MARD comme la médiation, mais une alternative à caractère plus juridictionnel. Il a affirmé que « c’est un tribunal qui tranche, ce n’est pas un moyen de rapprochement entre les parties ».
Intervention d’Elisabet Valencia Ortega
L’avocate Elisabet Valencia a abordé la situation des consommateurs dans le domaine bancaire. Elle a indiqué qu’ils peuvent s’adresser au Service Client (SAC) ou recourir à un MARD. Elle a exprimé son inquiétude concernant l’article 439 bis de la LEC, en lien avec les réclamations pour clauses abusives dans les prêts hypothécaires. Elle a signalé que « si le client choisit un MARD, il y a un problème de confidentialité et de forclusion des arguments ». Elle a insisté sur le fait que la réclamation préalable n’est pas un MARD, et que les consommateurs cherchent souvent uniquement à obtenir de la documentation avant d’agir en justice.
Que signifie la forclusion des arguments ?
La forclusion des arguments est un principe procédural impliquant la perte du droit de présenter certains arguments ou preuves si cela n’est pas fait au bon moment dans la procédure. Dans le cadre des MARD, cela signifie que les tribunaux peuvent rejeter une action en justice pour défaut de tentative préalable de résolution extrajudiciaire, sans laisser la possibilité de corriger cette omission, ce qui peut porter atteinte au droit à un recours effectif.
Valencia a défendu la devise « Moins d’actions, moins de coûts », en insistant sur le fait qu’« il faut savoir renoncer ». Elle a également souligné les problèmes d’identification du consommateur, rappelant que « nous ne pouvons pas envoyer des relevés à n’importe qui ».
Elle a alerté sur la faible utilisation de la médiation dans le secteur bancaire. Souvent, il s’agit en réalité de négociations directes limitées à des réductions mineures, sans véritable dialogue. Concernant les cartes revolving, elle a rappelé que toutes ne sont pas abusives, et qu’il existe une zone grise où la négociation est préférable. Elle a mentionné le recours au MARD pour demander de la documentation avant d’engager une action en justice, notamment dans les cas d’usure. Elle a affirmé qu’« il y a une instrumentalisation claire de la justice » et que « le client finit par choisir le type de MARD qu’il souhaite ».
Jurisprudence pertinente :
- Arrêt STS 149/2020, sur l’usure des cartes revolving.
- Arrêt STS 367/2022, sur la transparence dans les contrats de crédit.
Apports de Helen Pino Vera
Helen Pino a dénoncé les difficultés rencontrées par les consommateurs dans les litiges liés au transport aérien. Elle a expliqué qu’il faut jusqu’à 24 mois pour résoudre un litige et qu’il y a des problèmes de documentation, notamment avec les copies papier. Ce retard compromet le droit à un recours effectif.
Elle a mis en garde contre la régionalisation du droit procédural : certains tribunaux appliquent des protocoles différents, comme à Málaga ou aux Baléares, ce qui génère de grandes inégalités territoriales. Elle a plaidé pour l’unification des critères à travers des protocoles d’action.
Elle a rappelé les articles 5 et 10 de la LO 1/2025 ainsi que la Dispositions Additionnelle Septième, selon laquelle « la condition de recevabilité est remplie lorsqu’une réclamation a été adressée à l’autre partie et qu’elle n’a pas été répondue dans les délais, ou que la réponse a été insatisfaisante ».
Elle a également alerté que « près de 5 milliards d’euros sont bloqués dans les tribunaux, en attente qu’un greffier appuie sur un bouton ». Cette situation reflète une inefficacité inquiétante dans la gestion des indemnisations judiciaires.
Conclusion
La conférence a mis en lumière les progrès mais aussi les lacunes de la récente LO 1/2025 en matière de résolution extrajudiciaire des conflits. Malgré l’impulsion donnée aux MARD, des incertitudes d’interprétation, des déséquilibres institutionnels et des déficiences pratiques subsistent. La formation, la coordination entre les professionnels du droit et l’allocation de ressources seront essentielles pour que la réforme atteigne son objectif : une justice plus agile, accessible et centrée sur les personnes.