AMINA MENNI: “La confiance, c’est tout.”

 

Amina Menni, entretien 8 septembre 2025

Qui est Amina Menni, au-delà de son CV ?
Amina Menni est une femme qui a parcouru de nombreux univers — la science, l’entreprise, la santé, l’entrepreneuriat — et qui a appris, parfois avec difficulté, que le véritable leadership commence par soi-même. Au-delà du CV, je suis une personne profondément engagée dans l’humain, dans la transformation positive des environnements de travail, et dans le désir de réconcilier performance et bien-être. J’ai vécu un burn-out qui m’a obligée à tout remettre en question. À partir de là, j’ai choisi de reconstruire ma trajectoire professionnelle avec du sens, en mettant au service des autres ce dont j’avais moi-même eu besoin : conscience, écoute et courage de changer.

Comment ton profil multiculturel a-t-il influencé ta manière d’accompagner les leaders ?
Mon profil multiculturel m’a appris qu’il n’existe pas une seule manière de diriger, ni une seule définition du succès. Avoir vécu et travaillé dans plusieurs pays (France, Royaume-Uni, Espagne) m’a permis de comprendre l’importance du contexte, de la culture, des valeurs partagées. Accompagner des leaders signifie aujourd’hui, pour moi, savoir lire entre les lignes, capter ce qui n’est pas dit, et respecter la diversité des parcours. Dans un environnement global, le leadership a besoin de sensibilité interculturelle, et cela se cultive autant dans l’expérience que dans l’écoute.

Comment est né le projet Management & Health ?
Management & Health est né d’un vide que j’ai moi-même vécu : celui de travailler dans des contextes à haute exigence intellectuelle, sans outils émotionnels, sans espaces de dialogue, et sans réelle prévention des risques psychosociaux. Après avoir dirigé l’ouverture d’une filiale en biotechnologie et traversé un burn-out, j’ai compris qu’on ne peut pas soutenir un leadership sain si l’on ignore la dimension humaine. Management & Health est ma réponse professionnelle à cette prise de conscience : un pont entre la performance de l’entreprise et la santé psychologique de ceux qui la rendent possible.

Qu’est-ce qu’une “organisation saine” pour toi ?
Une organisation saine est celle qui prend soin de ses collaborateurs avec la même attention qu’elle porte à ses objectifs. C’est un environnement où l’on peut parler de ses émotions sans être jugé, où le conflit n’est pas caché mais géré, où la santé mentale n’est pas un tabou, et où le leadership ne se mesure pas seulement aux résultats, mais aussi à la capacité de créer confiance, sens et appartenance. C’est une organisation qui ne sacrifie pas les personnes au nom du succès, mais qui grandit avec elles.

Quelles sont les conditions pour qu’un changement en entreprise soit vraiment durable ?
Pour qu’un changement soit durable, il doit être désiré, compris et incarné. Il ne suffit pas d’appliquer une stratégie d’en haut : il faut impliquer, écouter, ajuster. Il est également essentiel de respecter le rythme du changement, de tenir compte des processus humains et d’accompagner les équipes avec du sens. Un changement imposé suscite la résistance. Un changement dialogué se construit. Et surtout, aucun changement ne sera durable si l’on ne soutient pas d’abord le bien-être de ceux qui doivent le mettre en œuvre.

Où se situe la limite entre leadership et contrôle ?
Le leadership inspire, le contrôle étouffe. La limite se trouve dans la confiance. Quand un leader a confiance en son équipe, il crée les conditions pour que les personnes donnent le meilleur d’elles-mêmes. Quand il craint de perdre le contrôle, il commence à microgérer, à imposer, à se méfier. Diriger, ce n’est pas surveiller chaque pas, c’est donner une direction, soutenir dans l’incertitude et permettre aux solutions d’émerger. Le véritable leadership se mesure à la capacité de lâcher prise… sans abandonner.

Pourquoi est-il si difficile d’avoir des conversations sincères dans les comités de direction ?
Parce que souvent, on confond vulnérabilité et faiblesse, et l’on privilégie le consensus superficiel à l’authenticité. Dans les comités de direction, il y a des pressions, des egos, des peurs. Dire ce que l’on pense vraiment nécessite un climat de sécurité psychologique, où l’erreur n’entraîne pas de conséquences dévastatrices. Sans confiance, les conversations deviennent stratégiques, pas sincères. Mais lorsque cet espace d’authenticité est créé, la qualité des décisions change radicalement.

Tu parles souvent de la vulnérabilité comme d’une force. N’est-ce pas paradoxal ?
Cela peut sembler paradoxal, mais c’est tout le contraire. La vulnérabilité, ce n’est pas se montrer fragile, c’est se montrer humain. C’est avoir le courage de dire “je ne sais pas”, “j’ai besoin d’aide”, “cela m’affecte”. Dans le monde du management, cela reste révolutionnaire. Pourtant, j’ai souvent constaté que lorsqu’un leader s’autorise cette ouverture, il inspire les autres à faire de même, et c’est là que naît la véritable collaboration. La vulnérabilité bien gérée ne fragilise pas le leadership : elle l’humanise et le renforce.

Quelle est ta définition d’un leadership authentique ?
Un leadership authentique est celui qui est aligné avec les valeurs personnelles du leader, qui n’a pas besoin de masques pour exercer son influence, et qui a l’humilité d’apprendre constamment. C’est un leadership qui se base sur l’exemple, pas sur le discours. Qui sait dire “je ne sais pas” mais aussi “je t’écoute”. Pour moi, l’authenticité signifie cohérence : entre ce que je pense, ce que je ressens, ce que je dis et ce que je fais. Et c’est cela qui donne de la crédibilité, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’équipe.

Comment distinguer une équipe en crise d’une équipe momentanément désorientée ?
Une équipe en crise répète des schémas dysfonctionnels : conflits non résolus, manque de confiance, blocages persistants, usure émotionnelle. Une équipe désorientée, en revanche, peut traverser une phase de transition, de restructuration ou de doute, mais elle conserve la capacité de s’écouter et de chercher des solutions. La clé réside dans la capacité de réflexion collective. Quand une équipe peut parler de ce qu’elle vit sans crainte, elle n’est pas encore en crise. Elle cherche comment se réinventer.

Qu’est-ce que le monde de l’entreprise peut apprendre du secteur de la santé ?
Énormément. Dans le secteur de la santé, en particulier dans les contextes hospitaliers ou de soins critiques, on travaille en équipe sous pression, avec un haut niveau de responsabilité, et avec une conscience constante de l’impact humain. Les organisations peuvent apprendre de cette éthique du soin, de la coopération interdisciplinaire, et de la prise de décision qui intègre le technique et l’émotionnel. Elles peuvent aussi s’inspirer de la culture de la formation continue et de la gestion du risque, qui sont essentielles en santé…

La santé mentale reste-t-elle un tabou dans les organisations ?
Oui, même si moins qu’avant. Suite à la pandémie, une conversation s’est ouverte, qui auparavant était évitée. Mais il persiste la peur du jugement, de la stigmatisation, et l’idée que montrer une difficulté psychologique peut nuire à sa carrière. Parler de stress, d’anxiété ou d’épuisement dans un environnement compétitif reste difficile. C’est pourquoi il est si important que les leaders donnent l’exemple, que les entreprises créent de vraies politiques de santé psychologique, et que l’on comprenne que prendre soin de la santé mentale n’est pas un luxe : c’est une condition de durabilité.

Est-il vraiment possible de prévenir le burn-out au niveau organisationnel ?
Oui, mais cela demande du courage et de la cohérence. Prévenir le burn-out ne se fait pas avec une conférence ponctuelle sur le bien-être. Cela se fait en révisant la culture interne, la charge de travail, le style de leadership, les systèmes de reconnaissance, le droit à la déconnexion. Cela se fait en formant les managers aux compétences humaines, en créant des espaces sûrs de dialogue, et en détectant les signaux d’alerte avant qu’il ne soit trop tard. Prévenir le burn-out est possible. Ce qui manque, souvent, c’est la volonté d’admettre que le système lui-même peut tomber malade.

Parlons de workplace mediation. Quand devient-elle nécessaire ? Et qu’est-ce qui fait qu’une médiation est réellement réussie ?
La médiation devient nécessaire quand le dialogue est rompu, quand les conflits bloquent le travail ou abîment les relations. Ce n’est pas un signe d’échec, mais une opportunité de reconstruction. Une médiation réussie n’est pas seulement celle qui résout le conflit, mais celle qui permet aux parties de comprendre leurs besoins, de retrouver leur dignité et d’en sortir renforcées. Elle requiert neutralité, écoute profonde et une grande sensibilité humaine. Je la considère comme un acte de soin dans des environnements où la douleur a fait du bruit.

Peut-on apprendre à mieux écouter ?
Oui. Écouter, ce n’est pas seulement entendre : c’est être présent, sans vouloir avoir raison, sans préparer sa réponse pendant que l’autre parle. L’écoute authentique transforme la relation. Et elle s’entraîne. Par le coaching, le feedback constructif, la pratique du silence, l’auto-observation. Dans les équipes qui savent bien écouter, les conflits diminuent, l’innovation grandit, et la confiance se multiplie. Mieux écouter n’est pas une technique. C’est une attitude.

Quelle approche adoptes-tu face à une équipe divisée ?
D’abord, je ne cherche pas de coupables, je cherche à comprendre. Une équipe divisée reflète souvent des tensions plus profondes : absence de sens partagé, manque de communication honnête, leadership ambivalent, blessures non traitées. Mon approche combine écoute individuelle, analyse systémique et espaces collectifs de dialogue. J’aide l’équipe à se revoir, à s’écouter, à reconstruire des ponts. Parfois, il faut aller lentement pour avancer vraiment. Mais quand une équipe ose se regarder sans filtres, la transformation est puissante.

Quelles sont les erreurs les plus courantes dans les entreprises en période de transition ?
La précipitation, l’isolement et le manque de sens. Beaucoup d’entreprises pensent que le changement peut se “gérer” avec un PowerPoint et un calendrier. Mais les personnes ne changent pas parce qu’on le leur demande : elles changent quand elles comprennent, quand elles se sentent reconnues, quand elles ont un rôle dans la transformation. Une autre erreur fréquente est d’oublier les managers intermédiaires, qui sont le pont entre la stratégie et la réalité. Si on ne prend pas soin d’eux, le changement se brise en chemin. Enfin, négliger les émotions du changement — la peur, la résistance, la perte —, c’est condamner le processus à l’échec.

Que réponds-tu à un CEO qui ne parle que de résultats rapides ?
Je lui demande : rapide, à quel prix ? Les résultats rapides peuvent être séduisants, mais s’ils détruisent la motivation, la santé ou la cohésion interne, leur coût est énorme. Je lui propose un changement de perspective : comment obtenir des résultats durables sans épuiser son équipe ? Comment aligner performance et bien-être ? Souvent, derrière l’obsession de l’immédiat, il y a de la peur ou de la pression. Écouter cela, le nommer, et proposer des alternatives, fait partie de mon rôle. Car un bon CEO n’est pas celui qui met la plus grande pression, mais celui qui construit sur le long terme.

Quel rôle joue la confiance dans tes processus d’accompagnement ?
La confiance est tout. Sans elle, pas d’ouverture, pas de vrai changement. Dès la première rencontre, je travaille à créer un espace sûr, sans jugement, où la personne ou l’équipe peut être authentique. Écouter sans interpréter, soutenir dans le silence, donner un feedback honnête mais bienveillant… tout cela construit la confiance. Et quand la confiance apparaît, ce qui semblait bloqué commence à bouger. En réalité, mon travail n’est pas de changer quelqu’un : c’est d’accompagner dans la confiance pour que le changement puisse émerger de l’intérieur.

As-tu un rituel personnel pour rester centrée dans ton travail ?
Plus qu’un rituel fixe, ce qui me recentre, c’est un mode de vie conscient. Marcher dans la nature, en pratiquant la pleine conscience, m’apporte clarté et calme. C’est un espace où je respire, j’observe et je me reconnecte à moi-même. Je valorise aussi beaucoup le temps passé avec ma famille, car il me rappelle l’essentiel et me donne une énergie authentique. Et la méditation fait partie de mon équilibre : elle m’aide à cultiver le silence intérieur et à rester alignée, même dans les moments d’exigence. Tout cela, uni à ma spiritualité, me permet d’accompagner les autres depuis un endroit plus serein et authentique.

Quelle leçon inattendue as-tu apprise dans ta trajectoire ?
Que le corps parle toujours. Pendant des années, j’ai appris à tenir, à diriger, à répondre aux attentes… mais j’ai ignoré les signaux d’alerte internes. Mon burn-out m’a appris qu’il ne suffit pas d’avoir un projet professionnel si celui-ci n’est pas en accord avec notre bien-être physique et émotionnel. J’ai appris qu’il n’est pas nécessaire d’arriver au bout du rouleau pour changer, et que la vulnérabilité, lorsqu’elle est embrassée en conscience, devient une boussole puissante.

As-tu une citation ou un principe qui te guide au quotidien ?
Je n’ai pas de citation précise que je répète chaque jour, mais j’ai une certitude intérieure qui me guide : rien n’est gravé dans la pierre. Tout peut changer, même quand on ne le voit pas encore. Je fais confiance à un mouvement plus large, une forme de sagesse qui nous accompagne dans les processus, même dans les moments de doute. Être présent, écouter ce que la vie apporte et accepter que la connaissance ne vienne pas seulement de la raison, mais aussi de l’intuition… cela me donne de la sérénité pour continuer à avancer.

Comment imagines-tu l’évolution du coaching exécutif dans dix ans ?
Je l’imagine plus humanisé, plus connecté à la santé mentale. Le coaching du futur ne sera pas seulement destiné à optimiser la performance, mais à développer des leaders conscients, capables de régénérer plutôt que seulement produire. Je vois aussi un coaching plus accessible, moins élitiste, intégré à la culture organisationnelle. Et peut-être, plus collectif : non seulement centré sur l’individu, mais aussi sur les systèmes dans lesquels nous évoluons.

Quel héritage aimerais-tu laisser ?
J’aimerais avoir contribué à ce que les personnes s’écoutent davantage — elles-mêmes, entre elles, au sein de leurs organisations. Qu’elles s’autorisent à habiter leur travail avec du sens, pas seulement avec de l’obligation. J’aimerais avoir ouvert des chemins de réconciliation entre performance et santé, entre exigence et humanité. Et si une seule personne, grâce à mon accompagnement, décide de prendre soin d’elle sans culpabilité… alors j’aurai semé quelque chose qui en vaut la peine.


Amina Menni
Coach exécutive | Softskills |
Leadership | Communication | Intelligence Émotionnelle

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